Comme chaque année, le commissaire Paul Bellamy vient séjourner à Nîmes dans la maison de famille de sa femme Françoise qui rêve de croisières au bout du monde... Paul ne peut se passer de Françoise mais il déteste les voyages. Un double prétexte le cloue sur place : l'arrivée inopinée de Jacques son demi-frère, un aventurier à la petite semaine porté sur la bouteille, et l'apparition d'un homme aux abois qui réclame sa protection. Dans son désir empathique d'aider les uns et les autres, si possible en restant sur place, Paul leur consacrera son temps et ses efforts. Sa curiosité naturelle à enquêter y trouvera son compte. Sa position de frère aîné lui donnera davantage de fil à retordre...
Entretien avec Claude Chabrol
Comment est né le projet ?
De la volonté de faire un film avec Gérard Depardieu avec qui j’ai eu deux autres projets qui ne se sont pas montés. On s’est revus à Nîmes il y a deux ou trois ans et on s’est dit que c’était vraiment trop bête de ne pas travailler ensemble.
C’est la première fois que vous vous attelez à un projet avec un comédien en tête ?
Absolument. Je voulais même que le film soit une sorte de «portrait» de Gérard Depardieu ou du moins une vision de l’une de ses nombreuses facettes. Dans le même temps, j’ai suggéré à Odile Barski, ma coscénariste, d’injecter des éléments de ma propre personnalité dans le rôle-titre, sans pour autant que cela devienne autobiographique.
Et l’idée de départ ?
Elle est venue de l’envie de rendre un hommage feutré à Simenon – d’autant que je trouve que Gérard est un personnage profondément simenonien. Dans le même temps, je voulais que mes personnages soient en prise directe avec le spectateur, sans que l’histoire interfère entre eux et moi, comme le fait souvent Simenon dans ses livres. J’avais aussi le désir de rendre un hommage – visible cette fois – à Georges Brassens. Je me suis beaucoup amusé à jouer sur ces deux registres – visible et invisible – qui structurent le récit.
Justement, comment avez-vous envisagé l’intrigue ?
J’ai imaginé un flic – du genre Maigret – qui doit s’occuper d’une enquête, tout en étant confronté à des problèmes familiaux. J’en ai parlé avec Odile Barski qui a eu l’idée d’utiliser un fait divers d’arnaque à l’assurance : ce qui nous a plu, c’est que ce fait divers était parfaitement véridique, tout en étant invraisemblable ! Ainsi, ce qui, dans le film, semble le plus fictif est réel – puisque inspiré du fait divers – et ce qui paraît le plus réel est fictif – puisque c’est Odile et moi qui l’avons inventé. Ce qui tend à prouver qu’on peut plus facilement atteindre la vérité par la construction mentale que par l’examen des faits divers.
D’où vient le nom de Bellamy ?
C’était à la fois un clin d’oeil aux adaptations de Maupassant que j’ai réalisées pour la télévision et le nom d’une rue de Nantes. Appeler le film tout simplement «Bellamy» explicitait le fait qu’il était au coeur de l’intrigue.
Tout est vu à travers le regard de Bellamy...
Oui. A tel point que, par exemple, les flashbacks traduisent l’interprétation que Bellamy fait du passé. C’est ce qui m’a permis de justifier le fait que Jacques Gamblin interprète trois personnages : cela indique l’obsession du commissaire pour le visage de Gamblin et ses multiples apparences dont certaines sont trompeuses... Le personnage de Gamblin incarne le pervers qui, à l’inverse des autres, n’a pas de visage. D’ailleurs, le sous-titre du film pourrait être La Traversée des apparences.
A la limite, vous auriez pu tourner le film en caméra subjective.
J’avoue que j’y ai pensé. Mais si je l’avais fait, j’aurais nécessairement adopté le regard d’un des protagonistes. Du coup, pour se placer du point de vue de Bellamy, il ne fallait surtout pas être subjectif par rapport aux autres personnages de son entourage.
Bellamy et son frère n’incarnent-ils pas les deux facettes d’un seul et même personnage ?
A un moment donné, Bellamy dit de son frère Jacques : «Je ne pouvais plus supporter son visage d’ange.» Bien entendu, il s’agit d’une projection de ce que lui-même n’est pas. Par la suite, c’est l’inverse qui se produit : Bellamy représente, aux yeux de son frère, une sorte d’ange que lui ne peut pas réussir à atteindre, ni à détruire. Car, si Jacques incarne la part d’ombre de leur fratrie, c’est parce que Bellamy a lui-même éteint sa part de lumière.
La relation entre Bellamy et sa femme témoigne de votre foi en l’amour.
Je crois effectivement en l’amour. La qualité de la relation entre Bellamy et sa femme est assez simple à obtenir, à condition d’abandonner son quant-à-soi. Bellamy n’a pas de quant-à-soi – c’est sa grande qualité – et il l’affirme haut et fort. Du même coup, sa femme n’a pas besoin d’en avoir non plus. Ce qui n’empêche pas qu’on puisse la soupçonner d’avoir couché avec Jacques : lorsque Bellamy lui demande ce qui s’est passé avec son frère, elle répond : «Quand ?», sur un ton d’une douceur inquiétante.
Le personnage de Cornillac est presque tragique...
Quand on fait sa connaissance, on entend dans le taxi qui l’amène chez son frère la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski : il demande alors au chauffeur d’arrêter la musique. Ce qui indique que le pathétique, il n’en veut pas. Il est très dur envers lui-même et c’est en cela qu’il trouve sa dignité. Mais il ne se plaint jamais.
La séquence où l’avocat se met à chanter en plein procès est hallucinante.
C’est de toute évidence la scène la plus absurde du film, alors qu’elle s’inspire directement du fait divers, même si dans la réalité, l’avocat n’a pas chanté une chanson complète de Brassens. J’ai trouvé que c’était formidable parce que cela montrait que même dans les palais de justice, il existe un jeu de l’apparence qui peut étouffer la vérité : l’apparat, qui semble incarner la dignité de la justice, empêche le système judiciaire d’atteindre son but. Comme si la théâtralité du lieu donnait à la justice une force et une solennité qui ne sont qu’illusoires.
Les décors sont étonnamment banals et quotidiens, comme le café, la maison du couple, le Bricomarché ou la chambre d’hôtel.
J’ai tourné dans des décors foncièrement réalistes parce qu’il y a tout un jeu entre la réalité et les apparences. Et ce qui trahit le plus souvent la réalité au cinéma, c’est le style des décors. Ici, il n’y a pas de place au pittoresque. Pourtant, en dépit des apparences, les décors sont très travaillés et sont révélateurs de la personnalité de chacun. Par exemple, la femme de Gamblin explique qu’elle adore la décoration : du coup, son intérieur est surchargé de mauvais goût et d’objets grotesques.
Le montage est très nerveux.
Oui, je parlerais même de fébrilité. Comme le dispositif de l’intrigue est assez complexe, je craignais qu’on ne perde le spectateur en cours de route. C’est pour cela que j’ai fait en sorte que le film soit rythmé et sans fioritures. A ce titre, j’ai coupé la scène où Bellamy se rend chez le médecin-légiste et s’intéresse au cadavre. Je trouvais que c’était amusant, mais qu’on pouvait tout aussi bien résumer cette scène en une phrase !
Comment avez-vous choisi les principaux comédiens ?
Je souhaitais d’abord confier le rôle du pervers à François Cluzet. Mais comme il n’était pas libre, j’ai choisi Jacques Gamblin : j’en ai été ravi car, au fond, je crois qu’il correspond davantage à l’idée que j’avais du personnage au départ, ou plutôt à l’utilisation du personnage dans l’ensemble du tableau. Quant à Clovis Cornillac, cela fait longtemps que je voulais travailler avec lui. C’est une véritable «bête de scène» et j’aime beaucoup son physique de fonceur. Dans le film, on dirait qu’il a été désespéré toute sa vie et, à aucun moment, on ne se rend compte qu’il joue, ce qui est extrêmement difficile avec un tel personnage.
Et Marie Bunel ?
J’avais une idée très précise de son rôle : il ne fallait en aucun cas qu’il soit interprété par une comédienne qui se serait fait refaire le visage ou qui ait l’air apprêté. Cela aurait dénaturé le personnage. J’ai alors pensé à Marie Bunel qui n’a pas un tempérament de star et qui incarne typiquement le genre de femme qu’on aimerait avoir à la maison !
Comment Gérard Depardieu a-t-il réagi ?
Je lui ai fait part de mon choix pour le rôle de son épouse car je voulais qu’il y ait une vraie harmonie entre eux. Il a trouvé que c’était une très bonne idée. Mais, sur le plateau, il a mis Marie à l’épreuve : elle a réagi avec beaucoup d’humour, ce qui fait qu’ils sont devenus très vite complices. Je pense qu’elle a suscité l’admiration de Gérard.
Comment avez-vous pensé à Vahina Giocante ?
Cécile Maistre, ma première assistante, me la recommandait depuis longtemps. J’aurais pu choisir une jeune femme moins resplendissante, mais je me suis dit qu’en province, c’est le genre de choses qui arrive : des filles superbes – les plus belles de leur région – peuvent se retrouver avec des types médiocres. Par ailleurs, Vahina campe à la fois la femme idéalisée et une sensualité très réelle.
Quel type de lumière souhaitiez-vous pour le film ?
J’ai demandé à Eduardo Serra, mon chef-opérateur, d’éviter les éclairages trop marqués, sauf pour une ou deux séquences oniriques, comme la scène de la danse dans le garage. Comme toujours, il a immédiatement compris ce que je voulais.
La musique est d’une grande efficacité dramatique.
Comme la musique la plus flamboyante et la plus émotionnelle était concentrée vers le dénouement, il fallait que Matthieu Chabrol écrive, pour le reste du film, une partition plus discrète, sans rien révéler de l’intrigue. Par conséquent, le concerto pour violoncelle d’Elgar fonctionne d’autant mieux qu’il n’y a pas eu d’élément musical semblable auparavant : on a alors l’impression que la vérité de l’existence nous explose en plein visage.
Claude Chabrol : 50 ans de cinéma
2008 BELLAMY
Avec Gérard Depardieu, Clovis Cornillac, Jacques Gamblin
2006 LA FILLE COUPéE EN DEUX
Avec Ludivine Sagnier, Benoît Magimel, François Berléand
2005 L’IVRESSE DU POUVOIR
Avec Isabelle Huppert, Patrick Bruel, François Berléand
2004 LA DEMOISELLE D’HONNEUR
Avec Laura Smet, Benoît Magimel, Aurore Clément
2003 LA FLEUR DU MAL
Avec Nathalie Baye, Benoît Magimel, Mélanie Doutey
1999 MERCI POUR LE CHOCOLAT
Avec Isabelle Huppert, Jacques Dutronc, Anna Mouglalis
1998 AU COEUR DU MENSONGE
Avec Sandrine Bonnaire, Jacques Gamblin, Antoine De Caunes
1996 RIEN NE VA PLUS
Avec Michel Serrault, Isabelle Huppert, François Cluzet
1995 LA CÉRÉMONIE
Avec Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire, Jacqueline Bisset
1994 L’ENFER
Avec François Cluzet, Emannuelle Béart, Marc Lavoine
1993 L’OEIL DE VICHY
Avec Michel Bouquet
1992 BETTY
Avec Marie Trintignant, Stéphane Audran
1991 MADAME BOVARY
Avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy
1990 DOCTEUR M
Avec Alan Bates
1990 JOURS TRANQUILLES A CLICHY
Avec Andrew Mac Carthy
1988 UNE AFFAIRE DE FEMMES
Avec Isabelle Huppert, François Cluzet, Marie Trintignant
1987 LE CRI DU HIBOU
Avec Christophe Malavoy, Mathilda May
1986 MASQUES
Avec Philippe Noiret, Robin Renucci, Bernadette Lafont
1985 L’INSPECTEUR LAVARDIN
Avec Jean Poiret, Bernadette Lafont
1984 POULET AU VINAIGRE
Avec Jean Poiret, Stéphane Audran, Michel Bouquet
1983 LE SANG DES AUTRES
Avec Jodie Foster, Sam Neill
1982 LES FANTÔMES DU CHAPELIER
Avec Michel Serrault, Charles Aznavour
1980 LE CHEVAL D’ORGUEIL
Avec Jacques Dufilho, Bernadette Le Sache
1978 LES LIENS DE SANG
Avec Donald Sutherland
1977 VIOLETTE NOZIÈRE
Avec Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Jean Carmet
1976 ALICE OU LA DERNIÈRE FUGUE
Avec Sylvia Kristel, Charles Vanel, André Dussolier
1975 FOLIES BOURGEOISES
Avec Stéphane Audran, Bruce Dern
1975 LES MAGICIENS
Avec Jean Rochefort
1974 LES INNOCENTS AUX MAINS SALES
Avec Romy Schneider
1974 UNE PARTIE DE PLAISIR
Avec Paul Gégauff, Danièle Gégauff
1973 NADA
Avec Fabio Testi, Lou Castel
1972 LES NOCES ROUGES
Avec Michel Piccoli, Stéphane Audran, Claude Piéplu
1972 DOCTEUR POPAUL
Avec Jean-Paul Belmondo, Mia Farrow
1971 LA DÉCADE PRODIGIEUSE
Avec Orson Welles, Marlène Jobert, Michel Piccoli
1970 JUSTE AVANT LA NUIT
Avec Stéphane Audran, Michel Bouquet
1970 LA RUPTURE
Avec Stéphane Audran, Jean-Pierre Cassel
1969 LE BOUCHER
Avec Stéphane Audran, Jean Yanne
1969 QUE LA BÊTE MEURE
Avec Jean Yanne, Michel Duchaussoy, Maurice Pialat
1968 LA FEMME INFIDÈLE
Avec Stéphane Audran, Michel Bouquet
1967 LES BICHES
Avec Jean-Louis Trintignant, Stéphane Audran
1967 LA ROUTE DE CORINTHE
Avec Jean Seberg
1966 LE SCANDALE
Avec Anthony Perkins, Maurice Ronet
1966 LA LIGNE DE DÉMARCATION
Avec Jean Seberg, Maurice Ronet
1965 LE TIGRE SE PARFUME À LA DYNAMITE
Avec Roger Hanin, Michel Bouquet
1965 MARIE-CHANTAL CONTRE LE DOCTEUR K
Avec Marie Laforêt
1965 PARIS VU PAR
Avec Barbara Wilkind, François Chappey
1964 LE TIGRE AIME LA CHAIR FRAÎCHE
Avec Roger Hanin
1963 LES PLUS BELLES ESCROQUERIES DU SIÈCLE
Avec Francis Blanche, Jean-Pierre Cassel, Catherine Deneuve
1962 LANDRU
Avec Charles Denner, Michèle Morgan
1961 OPHÉLIA
Avec Alida Vali
LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX
Avec Claude Berri, Jean-Claude Brialy, Jean-Pierre Cassel
1960 LES GODELUREAUX
Avec Stéphane Audran, Jean-Claude Brialy
1959 LES BONNES FEMMES
Avec Bernadette Lafont, Stéphane Audran
1959 A DOUBLE TOUR
Avec Bernadette Lafont, Jean-Paul Belmondo
1958 LES COUSINS
Avec Gérard Blain, Jean-Claude Brialy
1958 LE BEAU SERGE
Avec Gérard Blain, Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont
Liste Artistique
Paul BELLAMY - Gérard DEPARDIEU
Jacques LEBAS - Clovis CORNILLAC
Noël GENTIL - Jacques GAMBLIN
Emile LEULLET - Jacques GAMBLIN
Denis LEPRINCE - Jacques GAMBLIN
Françoise BELLAMY - Marie BUNEL
Nadia SANCHO - Vahina GIOCANTE
Mme LEULLET - Marie MATHERON
Claire BONHEUR - Adrienne PAULY
Alain - Yves VERHOEVEN
Bernard - Bruno ABRAHAM-KREMER
L’avocat - Rodolphe PAULY
Liste Technique
Réalisateur - Claude CHABROL
Scénario - Odile BARSKI
Scénario - Claude CHABROL
Image - Eduardo SERRA
Cadre - Michel THIRIET
Montage - Monique FARDOULIS
Son - Eric DEVULDER
Son - Thierry LEBON
Décors - Françoise BENOIT-FRESCO
Costumes - Mic CHEMINAL
Scripte - Aurore CHABROL
Assistante mise en scène - Cécile MAISTRE
Directeur de production - Jean-Louis NIEUWBOURG
Productrice exécutive - Françoise GALFRE
Produit par - Patrick GODEAU
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